Le terme « numérique » s’impose, dans le langage courant, pour désigner par métonymie tout ce qui touche à l’informatique. Son étymologie évoque en effet le langage basique en 0 et 1 avec lequel fonctionnent les ordinateurs. Dans cette recherche, nous conférons le sens le plus large à « numérique » : c’est « l’ensemble des phénomènes anthropologiques que suscite l’informatisation », définition de Michel Volle (www.volle.com). Grâce au numérique, les possibilités d’œuvrer avec ses pairs en mode synchrone ou asynchrone, d’échanger des informations en temps réel à travers le monde, l’interconnexion des appareils et les nouveaux logiciels de communication comme celui de la web-conférence, abattent toutes les frontières de temps et d’espace. Une autre conséquence de cette dématérialisation des lieux d’échange est l’abolissement des frontières entre la sphère privée et la sphère professionnelle puisque la connexion est possible partout dans cette nouvelle intemporalité (continuelle et immédiate). Un chirurgien peut opérer à distance, vous pouvez fermer les volets de votre maison avec votre Smartphone depuis votre lieu de travail. Les mots, les phrases, les documents, tout est à portée de mains ou plus précisément à portée « de clic ».
Des phénomènes nouveaux en pleine expansion
Ces changements induisent l’existence d’un tissu très dense de savoirs sans cesse mis à jour, en trois dimensions, où foisonnent tous les sujets [avec plus ou moins de crédibilité] dans lequel nous baignons et auxquels nous accédons en temps réel. Ils induisent aussi l’explosion culturelle d’un mode de communication en réseaux socio-numériques où les relations sont horizontales [la hiérarchie sociale multiséculaire s’en trouve bouleversée] et où l’écriture se fait l’égale de la photographie et de la vidéo comme mode d’expression interpersonnelle dans un maelström pseudo-artistique où il n’est en théorie plus possible de s’ennuyer : un tourbillon sans frontières où tout le monde vient puiser à sa guise ou contribuer de manière anarchique et insouciante. Est-ce un bien ? Les avis divergent, l’avenir nous le dira[1]. De plus, les traducteurs automatiques, gratuits et foisonnants, font tomber les barrières de la langue. La hiérarchie classique basée sur la profession ou le statut social disparait. Vous pouvez discuter cuisine avec un sénateur américain et suivre, chaque jour, l’intimité de votre star préférée en la suivant sur Twitter ou Instagram. Un autre phénomène rend encore plus léger ce voyage dans ce cybermonde teinté d’humanité : l’anonymat ou l’avatar, vous pouvez utiliser un pseudo ou créer le personnage imaginaire que vous avez choisi d’être pour vous exprimer sur la Toile… En outre, nous ne sommes pas uniquement voyageur de ce cybermonde, nous en sommes, acteur et créateur, nous le modelons, c’est nous-mêmes qui lui donnons vie. Conjointement, nous assistons aussi à une dynamique d’interopérabilité : tous les supports, de moins en moins onéreux, permettent d’accéder au cybermonde : Smartphones, tablettes tactiles, ordinateurs portables, ordinateurs personnels, les contenus et les programmes sont sur le Cloud[2] : la connexion Internet généralisée suffit. De ce fait, nous pouvons souligner la réorientation des rapports sociaux et l’utilisation de l’intelligence collective[3] comme nouvelle structuration des organisations. Le crowdsourcing, par exemple, permet de soulever des fonds, des idées, de l’intelligence ou des savoir-faire via internet pour réaliser des projets inédits et/ou humanistes. Ce nouveau concept de crowdsourcing, terme anglais signifiant « approvisionnement par la foule » est aussi une forme de place de marché alimentée par les internautes et sur lesquelles les entreprises viennent s’alimenter. L’Internet participatif a ainsi stimulé l’essor du travail collaboratif. « Aux États-Unis, des start-up apparaissent comme de nouveaux intermédiaires entre entreprises en mal de nouvelles idées innovantes et internautes experts. Évidemment, le contexte s’y prête : cela coûte moins cher aux entreprises qu’un service de recherche-développement (R&D), et ces idées venues de la base collent à leurs besoins. », Source : Commentçamarche.net. Autre exemple, dans la Silicon Valley, les développements technologiques sont tels que l’une des start-up rachetée par Alphabet (anciennement Google) travaille à vaincre la mort dans une philosophie « transhumaniste[4] » (médicaments intelligents et connectés, cyber-médecine). Leur espoir porte aussi sur le big data[5] capable d’avoir une vision macro logique des épidémies ou d’autres phénomènes sanitaires. Certains craignent l’arrivée du phénomène « Big Brother is watching you » et sont très actifs. Leurs revendications sur le droit à la vie privée dénonçant des dérives possibles du big data [quelquefois fondées] ont conduit à la mise en place de nouvelles législations comme « le droit à l’oubli » et l’obligation du « déréférencement »[6].
La libération de l’expression
Grâce aux progrès de la technologie numérique, des populations isolées ou opprimées s’expriment enfin. Prenons l’exemple de l’organisation Avaaz qui permet de lancer des pétitions électroniques internationales de grande envergure. C’est un réseau citoyen mondial de 41 millions de membres qui influence les décisions à l’échelle de la planète. « Avaaz » signifie « voix » dans de nombreuses langues. Bien d’autres initiatives fleurissent un peu partout. Soulignons cependant, certains effets pervers de ces opportunités d’échange sans limite : l’organisation meurtrière « daesh » a trouvé un chemin d’expression sur Internet. Ce qui pose beaucoup de questions de sécurité et d’éthique.
L’immense potentiel de la société de l’information et de la communication est en marche. Il est trop tôt pour avoir une vision claire de cette réalité et de ses perspectives pour en saisir les conséquences positives et négatives. Comment s’y retrouver ? Quels usages ? Quels bénéfices ? Quelles limites ?
Les applications des technologies numériques aujourd’hui : quelles disruptions[7] ?
Les usages du numérique sont nombreux, voici quelques usages entrés dans les mœurs. Il existent et sont pratiques. Cet inventaire est non-exhaustif.
La visioconférence
La visioconférence ou webconférence permet d’effectuer une réunion à plusieurs quelles que soient les distances qui séparent les participants.
La réalité augmentée
La réalité augmentée « désigne les systèmes informatiques qui rendent possible la superposition d’un modèle virtuel 3D ou 2D à la perception que nous avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel. Elle désigne les différentes méthodes qui permettent d’incruster de façon réaliste des objets virtuels dans une séquence d’images. Elle s’applique aussi bien à la perception visuelle (superposition d’image virtuelle aux images réelles) qu’aux perceptions proprioceptives comme les perceptions tactiles ou auditives. », Source Wikipédia.
Le streaming
Le streaming est un mode de transmission de données audio et vidéo. Ces dernières sont transmises en flux continu dès que l’internaute sollicite le fichier sans attendre le téléchargement complet de la vidéo ou de l’extrait sonore. Source Futura Hight-tech.
La télévision numérique
La télévision numérique est aussi très prisée. Nous y avons accès n’importe où pourvu que nous disposions d’une connexion Internet et d’un navigateur. Nous pouvons aussi utiliser le « replay » dont l’ancêtre est le magnétoscope, qui donne accès aux diffusions à tout moment.
Le « podcast »
Le « podcast » ( qui a son origine sémantique dans la contraction du mot « i-pod[8] » et du mot « broadcasting[9] » ) et le vidéocast diffusés, respectivement, au format MP3 et au format MP4.
Le flux RSS
Grâce à une technologie issue de l’univers des blogs, le Really Simple Syndication ou « flux RSS » permet de suivre les nouveautés d’un site en temps réel, il est possible de s’abonner à un podcast ou un vidéocast [par exemple, sur une chaîne You Tube]. Le flux RSS est très utilisé dans le monde de l’éducation et de la formation. Citons, ici, iTunes U, service de la société Apple qui donne un accès gratuit et permanent à certains cours universitaires à travers le monde. Il est aussi possible de s’abonner aux cours pour en profiter en temps réel. Ainsi, la tendance est aujourd’hui à la prise de parole, le podcasting ou le vidéocasting restant très simples de conception et de diffusion.
Les agrégateurs de contenus
Les agrégateurs de contenus : véritables « facteurs » allant chercher le courrier à l’extérieur, puis le déposant chez l’utilisateur internet, dispensant ce dernier d’aller régulièrement aux nouvelles en visitant de nombreux sites internet. « Il fonctionne un peu comme une messagerie électronique (quasiment en temps réel) mais (contrairement à un client de messagerie), l’utilisateur d’un agrégateur est souvent limité à la lecture passive des messages reçus (le « fil » de syndication). Il ne peut pas « répondre » aux éléments reçus. Il existe quelques exceptions dans le cas de billets blogs, où certains agrégateurs permettent de poster des commentaires. Un agrégateur ne peut traiter qu’une information spécialement structurée, par une technologie particulière. », source Wikipédia.
Les Web radios
Les Web radios foisonnent et grâce au format MP3, lancer sa radio au format numérique est possible pour tous.
Les réseaux socio-numériques
Les réseaux socio-numériques connaissent un succès prodigieux. Facebook, par exemple, avait en France, en 2014, 28 millions d’utilisateurs soit 37 % de la population et au niveau mondial 1,32 milliard d’utilisateurs dont l’âge moyen était de 28,2 ans. Source : conférence les usages numériques et leurs impacts (thérapeutiques, cognitifs et pédagogiques) , Vanessa Lalo, (2015).
Les jeux vidéos en ligne
Les jeux vidéos en ligne ont un très grand succès. La pratique des jeux améliore la gestion de la frustration et des échecs (persévérance), la précision psychomotrice, les fonctions exécutives (planification), les capacités visio-spatiales. L’activité « multitâche » devient une habitude d’après Vanessa Lalo, psychologue clinicienne et conférencière, spécialisée dans les jeux vidéo, les usages numériques et leurs impacts (thérapeutiques, cognitifs et pédagogiques).
Les jeux sérieux
Les jeux sérieux ou Serious Games, d’après Vanessa Lalo citée ci-dessus, sont des outils utilisant les codes ludiques du jeu vidéo pour faire passer un message, développer des compétences, transmettre des connaissances, obtenir un effet pédagogique ou thérapeutique, entrer en relation ou en médiation. Ils sont utilisés en famille, dans le monde professionnel et scolaire pour son caractère pédagogique et dans la prévention (danger, préservation de l’environnement). Sa pratique aurait un impact via l’apprentissage intégré, l’immersion totale. Il devient possible de se retrouver dans un univers comme celui du travail en temps qu’acteur. Les simulateurs ont les mêmes attributs avec en plus l’expérience physique et sensorielle : simulateur d’avion pour s’entrainer au pilotage, simulateur de véhicule à deux roues pour s’entrainer en vue d’obtenir le Brevet de Sécurité Routière devenu obligatoire.
Le Learning Management System
Le Learning Management System (LMS) est un dispositif en ligne accessible à distance 24h/24 et 7j/7. Il a pour fonction d’organiser une formation à distance (e-learning). Seule la connexion Internet et le navigateur sont nécessaires pour y accéder. Le LMS[10] demande un investissement important en ingénierie de formation. Une formation peut être hybride parfois appelée « blended learning », dans ce cas, une partie de la formation se fait en présentiel. Un dérivé du e-learning en pleine expansion est la Formation Ouverte à Distance qualifiée par la Commission européenne d’« enseignement à distance qui permet à chacun de travailler de façon autonome, à son propre rythme, quel que soit le lieu où il se trouve ». Un autre dérivé est le MOOC « apparu en 2008, est assez flexible. Il répond néanmoins à 4 critères : « Massif », le cours peut accueillir un nombre, en principe, non limité de participants. « Open », le cours est ouvert à tous les internautes, sans distinction d’origine, de niveau d’études, ou d’un autre critère, « Online », l’ensemble du cours peut être suivi en ligne : cours, activités, devoirs, examens, etc. Même si des modules en présentiel ou des supports physiques (ex : livres) peuvent être proposés en parallèle du cours, ils ne sont pas indispensables à son suivi, « Course », il s’agit d’un cours avec des objectifs pédagogiques et un ou plusieurs parcours pédagogiques pour les participants, et non simplement de ressources diffusées en ligne », Source : Matthieu Cisel, Ministère de l’enseignement général et de la recherche (http://www.france-universite-numerique.fr/IMG/pdf/a_la_decouverte_des_mooc-2.pdf) .
Nous avons évoqué la société apprenante et la société numérique qui se sont toutes deux développées de manière synchrone et accélérées depuis ces vingt dernières années : qu’en est-il aujourd’hui de l’usage du numérique en formation ?
[1] Remarquons, ici, que Vanessa Lalo, psychologue clinicienne, insiste sur l’importance psychologique de s’ennuyer notamment lors de la construction de la personnalité.
[2] Le « cloud », terme anglais signifiant « nuage » est constitué de fermes de serveurs de données et de services situés physiquement partout dans le monde.
[3] Stricto sensu, l’intelligence collective est un concept régulateur qui peut être défini comme une intelligence variée, partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences. Le thème de l’intelligence collective a fait l’objet de nombreux travaux durant les quarante dernières années. Même si les appellations diffèrent, un objet commun semble se dégager : noosphère (De Noos, esprit : sphère terrestre de la substance pensante) de Teilhard de Chardin, écologie de l’esprit de Gregory Bateson, écologie des représentations de Dan Sperber, sujet collectif de Michel Serres, cybionte de Joël de Rosnay, hive mind de Kevin Kelly, intelligence connective de Derrick de Kerckhove, super-brain de Francis Heylighen, Global Brain de H. Bloom, intelligence émergente de Steven Johnson, etc. Source : http://www.boson2x.org
[4] Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques, ainsi que les croyances spirituelles afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. Dans cette optique, les penseurs transhumanistes comptent sur les biotechnologies et sur d’autres techniques émergentes. Les dangers comme les avantages que présentent de telles évolutions préoccupent aussi le mouvement transhumaniste. Source : Wikipédia
[5] Les big data, littéralement les « grosses données » ou mégadonnées parfois appelées données massives, désignent des ensembles de données qui deviennent tellement volumineux qu’ils en deviennent difficiles à travailler avec des outils classiques de gestion de base de données ou de gestion de l’information.
[6] Par un arrêt du 13 mai 2014 , la CJUE a reconnu le droit pour les particuliers de demander à faire supprimer des résultats de recherche Google les liens vers les pages mentionnant des données personnelles les concernant. En vue de se conformer à la décision de la Cour européenne, l’entreprise américaine a mis en place une nouvelle procédure de demande de suppression de contenu le 30 mai dernier. Depuis cette date, un particulier peut donc demander directement à Google de supprimer certains résultats de recherche au titre de la législation européenne sur la protection des données. Source : droit-finances.commentcamarche.net
[7] « Le terme disruption est indissociable de l’innovation technologique. Il désigne le moment où une nouveauté devient suffisamment grand public pour boulerverser durablement un secteur économique. Exemple : l’avènement des imprimantes permettant de tirer ses propres photos à domicile. Aujourd’hui, la disurption est partout et ce phénomène ne fait que commencer. De plus en plus de domaines sont appelés à connaître une disruption comme l’enseignement, la santé, etc », Source : France Info.