Les usages dans l’éducation et la formation

Les usages en présentiel

 

présentielLes usages dans la formation en présentiel sont classiques et inscrits dans les pratiques depuis Condorcet. « Le maître » détenteur d’un savoir le transmet dans une salle préparée pour cela, toujours de la même façon : un tableau, des tables alignées, parfois un vidéoprojecteur pour utiliser un logiciel de présentation du diaporama, une formation donnée[1] parfaitement délimitée, des ressources dont les contours sont bien définis, des feuilles d’émargement. Le formateur, détenteur d’un savoir, derrière son bureau, s’adresse de façon magistrale aux apprenants. Parfois, les tables sont déplacées et mise en cercle pour un travail de réflexion commune. Ainsi, le formateur propose aux apprenants un parcours ayant pour objectif la transmission de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être avec une part de pédagogie de l’action où l’apprenant est mis en situation concrète mais aussi avec une grande part de « behaviorisme » où le sujet apprenant se laisse façonner par celui qui le forme pour valider sa formation. Les usages en présentiel sont simples et classiques. Cependant différentes pédagogies où l’apprenant est rendu acteur se développent comme la pédagogie inversée[2] ? En présentiel on n’est pas obligé de faire un cours magistral, celui-ci est de moins en moins pratiqué.

 

Les usages en distanciel

 

e-learningLa formation à distance existe depuis 200 ans, elle se perfectionne aux gré des progrès technologiques. Elle apparaît pour la première fois avec le timbre poste sécurisant les échanges épistolaires puis se modifie avec la radio, avec le téléphone, avec la télévision et enfin avec Internet.[3] Nous avons évoqué précédemment le e-learning, nous allons à présent analyser cette pratique dans le cadre d’une formation longue (plus de 150 heures).

 

Les cours bénéficient de différents degrés de granularité[4]. Ils sont détaillés et correspondent au programme de formation. De nombreux exercices et cas d’application sont proposés. Un accompagnement permanent par des formateurs-tuteurs via les forums, les webconférences, le clavardage, les vidéos est nécessaire. Des travaux individuels et collectifs sont encadrés par des tuteurs experts dans leur domaine. Des examens sont mis en place régulièrement. Avec cette forme d’enseignement, la question de la forme se pose en plus de la question du fond. Il y donc en formation à distance une double ingénierie de formation à mettre en place : le fond et la forme (scénarisation, médiatisation).

 

Nous constatons que les usages en distanciel ne sont pas les mêmes qu’en présentiel. Il n’y a pas de présence physique, de coprésence entre le formateur et le formé. La distance complique l’entrée en relation de l’apprenant avec le formateur puisque le médiateur n’est plus le corps humain, la voix [la communication verbale], les gestes, les regards [la communication non-verbale] mais bien une simple machine manquant « de relief » et de largeur de périmètre spatial.

 

Dans un premier temps, il est nécessaire pour l’apprenant de s’acclimater pour devenir « cyber-apprenant ». Cette première étape est décisive et de nombreux apprenants ne parviennent pas à la surmonter. Appartenir à la génération des « digital native » ne change pratiquement rien. En d’autres termes, posséder des compétences techniques implicites et nécessaires n’y change rien. Pourquoi cet échec ? Bernard Blandin, , actuellement directeur de recherches au sein du groupe CESI (http://www.cesi.fr), où il dirige le Laboratoire d’ingénierie des environnements d’apprentissage (LIEA), nous répond ainsi « il me semble que l’élément fondamental dans les problématiques de formation ouverte et à distance, c’est d’abord la capacité de l’apprenant à développer ses propres apprentissages, donc à développer des capacités métacognitives. ». Parce qu’apprendre à distance nécessite des compétences supplémentaires de l’ordre du « savoir être », une grande motivation, une capacité à s’auto-discipliner et une appétence pour la recherche. En effet, il est nécessaire d’aller chercher les ressources, de s’approprier le savoir, de s’auto-éduquer, d’être définitivement formateur de soi-même. Apprendre à distance ne nécessite pas seulement un savoir-faire en informatique et en bureautique mais surtout un savoir être, une capacité d’adaptation, de vouloir « relever » le défi. Ainsi, l’adulte qui, s’il se lance dans une formation, le fait par choix, de façon mûrement réfléchie, avec un projet précis, animé d’une grande motivation. Même s’il n’est pas de la génération Y, il se donnera les moyens de la réussite et passera cette étape d’acclimatation au cyberespace d’apprentissage plus facilement. La motivation intrinsèque est capitale dans ce style de formation. Et puis il y a le groupe qui agit aussi bien sur l’apprenant que sur le maître présent : c’est à partir de 17/18 personnes qu’il se crée une atmosphère dans laquelle « baigne » l’enseignement. Cela fait partie des non-dits…

 

Se pose alors la question de la posture du formateur « à distance ». Bernard Blandin poursuit en écrivant « Mais c’est également le renversement de perspectives pour le formateur qui l’oblige à se mettre au service du processus d’apprentissage de l’apprenant et non pas de vouloir se substituer à lui dans le rapport au savoir ». Dans un premier temps, le cyber-formateur sera coach, s’assurant de la motivation et du bien-être de ses apprenants. Par la suite, dans une position de « veilleur, » il pourra être en mesure de percevoir les problèmes lorsqu’ils se présenteront à distance (décrochage, peur, étudiant fantôme). Puis, quand la situation sera stable et fluide, ne nécessitant plus de réajustements, quand la communauté d’apprentissage aura bien démarré, il se fera tuteur et non pas formateur. En effet, le savoir à transmettre dans le cas de la formation à distance, est pour une grande part déjà transmis puisque « scénarisé » et enregistré dans le support médiatique de la formation à distance : le formateur devenu tuteur devient « catalyseur » de la formation qui n’est plus magistrale mais médiatisée sur un support intemporel où l’apprenant peut revenir autant de fois qu’il le souhaite et selon le degré de granularisation de la formation, approfondir, affiner le savoir qu’il acquiert. S’ajoute à cette partie fixe, la partie à réaliser en mode projet, ouverte en mode exploratoire et innovante, collaborative ou pas. Nous remarquons d’emblée le caractère constructiviste de la formation à distance. Soulignons, pour éviter toute ambiguïté, que le savoir disciplinaire du formateur reste indispensable comme en présentiel, quand il s’agit d’intervenir pour apporter des solutions, guider, ou répondre à une situation de remédiation. Le formateur crée des liens entre apprenants et des points de repères, un cadre, puis les apprenants amorcent une traversée difficile, longue, exigeante mais pleine de découvertes et gratifiante. Ils organisent des travaux collaboratifs, chacun expérimente l’intelligence collective et son résultat souvent surprenant de qualité.

 

Devant le besoin d’échanges physiques et pour accroître la convivialité, comme levier de motivation soutenant la persévérance, ou tout simplement, pour des raisons pratiques [certaines activités comme l’analyse de la pratique professionnelle ne peuvent se réaliser qu’en présentiel], le blended learning ou formation mixte est un compromis très utilisé dans la formation continue. En effet, l’apprenant qui travaille choisit ses horaires de distanciel et n’est d’obligation de présentiel que très peu de temps. Ce qui lui offre flexibilité et autonomie.

 

Aujourd’hui, le rôle du tuteur apparaît comme fondamental : il ne s’agit plus de transmettre des connaissances mais d’accompagner l’apprenant dans ses acquisitions, de lui offrir un maximum d’autonomie. Il est là pour combattre la sensation d’isolement que pourrait ressentir l’apprenant (dans une classe virtuelle par exemple) et pour maintenir sa motivation par des encouragements, des questionnements, des suggestions d’approfondissement. Il est courant de voir des apprenants ne pas donner signe de vie pendant le temps où ils sont inscrits, mais ils travaillent, font des recherches et sont complètement autonomes. Il ne faut pas demander à tout ce qui est à distance, à tout ce qui est ouvert, de se caler sur des évaluations faites sur du présentiel.

 

Les dernières avances offrent encore plus de flexibilité avec le mobil-learning qui vient compléter le e-learning. « Le mobil-learning ou le m-learning évite d’engendrer une cassure entre les cours ou le e-learning. Une fois les heures d’apprentissage ou de formation passées, ceux qui le souhaitent peuvent continuer à en apprendre davantage grâce à leur Smartphone, tablette tactile… Dans le bus, train, métro, dans les bouchons ou en patientant en salle d’attente et dans bien d’autres situations où l’attente est un passage obligatoire, le m-learning prend ici tout son sens », Source Altissia, 2013. En outre, après une période d’enthousiasme où le e-learning a été perçu comme un moyen de résoudre les problèmes de formation (logistiques et budgétaires) en remplaçant les formations traditionnelles en présentiel, nous pouvons dire qu’aujourd’hui « l’e-learning atteint l’âge de raison ». Source : Projet @2L, 2007

 

 

[1] L’enseignant-formateur possède comme guide pré-établi , comme trame mais aussi comme « cahier des charges » : un référenciel de compétences attendues pour l’obtention d’un diplôme ou d’une certification, officialisé par une un organisation, comme le Répertoire Nationale de la Certification Professionnelle, l’Education Nationale, ou, pour certaines formations plus courtes, la Liste Nationale Interprofessionnelle depuis l’apparition du Compte Personnel de Formation (pour le PCIE, Passeport de Compétences Informatiques Européen, par exemple).

[2] « La classe inversée consiste comme son nom l’indique à inverser le concept traditionnel de la classe : cours magistral ou cours magistral déguisé en cours dialogué en classe et exercices à la maison. Avec la classe inversée, les élèves sont mis en activité en classe, le travail à la maison se concentre sur la partie magistrale, par l’apport de connaissances pures au travers de ressources variées. Ces ressources sont le plus souvent composées de vidéos faite par l’enseignant se filmant lui même ou bien au travers d’extraits de documentaires. » David Bouchillon

[3] L’enseignement à distance n’est pas une nouveauté, il est né en 1810 en Angleterre avec le timbre-poste. Cette même année, Isaac Pitman, inventeur de la sténographie eu l’idée d’enseigner cette méthode à distance. Devant le succès de son innovation, il élargit son panel de formation notamment avec la comptabilité. Son idée fit des émules partout dans le monde. Ainsi, nous pouvons affirmer que ce qui a permis l’émergence de l’enseignement à distance, c’est la fiabilité des échange et l’ingéniosité de certains « pionniers » s’appuyant sur des technologies de reproduction à bas prix, en l’occurrence ici l’imprimerie. Nous pouvons aussi remarquer que ces premiers dispositifs d’enseignement par correspondance trouvent leur origine dans l’initiative d’entreprises privées. A Paris, en 1877, Gervais Pigier lance ses cours par correspondance, 170 ans plus tard, l’aventure continue… Même phénomène pour les cours de Rose Hattemer amorcés en 1885, existant encore aujourd’hui. Plus tard, en 1891, Léon Eyrolle lança « l’Ecole chez soi » pour former dans un autre domaine : le bâtiment. En 1939, le téléphone devient fiable donc les cours par téléphone firent leur apparition. Enfin, l’initiative publique dans ce domaine intervint à cause de la seconde guerre mondiale, en 1940, pour répondre à une situation de crise où l’école ne pouvait plus fonctionner normalement. C’est ainsi que naquit le Centre Nationale d’Enseignement par Correspondance devenu aujourd’hui, le fameux CNED (Centre Natioale d’Enseignement à Fistance). Dès lors, d’autres médias étaient utilisés au fur et à mesure des innovations technologiques : le téléphone, la radio puis la télévisions et, enfin, Internet.

[4] Selon Educnet : « Granulariser la formation, c’est découper le contenu d’une matière en de nombreux items afin de pouvoir les combiner dans des parcours pédagogiques différents en fonction du niveau et des attentes de chaque apprenant. Elle permet la génération de parcours individualisés